Je me suis souvent intéressé à cette question, qui me semble à la fois très pertinente et particulièrement complexe
en matière de traduction. Après tout, les grades représentent des fonctions très précises au sein des diverses armées des mondes réel et imaginaires, et sont amenés à apparaître à tout bout de
champ dans toutes sortes de courants littéraires. Je vais donc me livrer ici à quelques explications sur ce qui me semble être un moyen relativement simple, mais pertinent, de traduire les grades
militaires japonais en français.
Le but étant de présenter une façon simple de traduire les grades, qui soit juste mais facile à comprendre, sans exiger du
lecteur francophone une intensive recherche ou de demander au traducteur de volumineuses et inutiles notes de bas de pages. En utilisant cette méthode vous devriez obtenir des personnages
clairement marqués dans leur hiérarchie, sans pour autant faire une transposition aveugle de grades souvent méconnus des lecteurs ordinaires. Le but, j'insiste, est d'obtenir une traduction
fluide et précise, n'exigeant du lecteur rien d'autre qu'une culture générale de base.
Je précise que j'aborde ici une perpective littéraire, en particulier fantastique, et que je ne cherche pas à trouver les
équivalents historiques exacts (voire même contemporains) des grades militaires. Je m'intéresse plutôt à la SF, ou, j'imagine, la quantité d'œuvres dans laquelle l'un ou l'autre militaire fera
son apparition. Si vous traduisez un bouquin sur l'Allemagne de la Seconde guerre mondiale, je vous laisse le soin de vous débrouiller avec les grades de ces messieurs. Je ne parlerai pas non
plus des hiérarchies historiques et féodales, qui n'ont rien à voir avec cela et, même si je le voudrais bien, je n'aborderai pas non plus les grades inventés.
Les deux méthodes
Il y a deux méthodes à utiliser ici. La première - la plus simple - part du principe que votre militaire est un élément de
décor ou qu'il est plus ou moins le seul de l'ouvrage à faire son apparition. Pas besoin, dans ce cas, de s'amuser à traduire un grade simple par un terme compliqué, en particulier si on n'a rien
d'autre à lui opposer.
La seconde méthode est un peu plus précise, fait apparaître des grades un peu plus pointus, mais sera nécessaire lorsque vous
traduirez de la SF militaire, un roman de guerre, ou tout ouvrage dans lequel plusieurs gens de guerre, subordonnés les uns aux autres, feront leur apparition. Dans un navire, un vaisseau spatial
ou en plein milieu d'une bataille, ce genre de distinctions sera nécessaire.
Les grades des officiers généraux
Les officiers généraux sont les commandants des armées et des corps armées.
En japonais,
ils sont nommés 上級大将 jôkyû taishô, 大将 taishô, (中将 chûshô - seulement dans la marine), 少将 shôshô、准将 junshô.
La première méthode ne pose pas de problème : vous traduirez tous ces termes par
général, s'il s'agit d'un militaire, ou amiral, s'il s'agit d'un général de la Marine. C'est tout.
Pour la seconde méthode, un petit tableau est nécessaire.
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Armées
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Marines
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上級大将
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Général
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Amiral de Marine
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大将
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Général d'armée
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Amiral
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中将
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n/a
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Vice-amiral
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少将
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Général de division
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Contre-amiral
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准将
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Général de brigade
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Commodore
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Ce sera valable pour toutes les listes de cet article, mais on peut bien sûr prendre quelques libertés et effectuer quelques
modifications de circonstance à ces tableaux. Ils sont lisibles et ne font pas référence à des systèmes militaires trop précis (ce qui n'est ici pas le but, je le rappelle). On peut également
mélanger les deux méthodes, si par exemple, une œuvre ne fait intervenir qu'un seul général, mais toute une quantité d'officiers de rang moindre.
Les grades des officiers
supérieurs
Les officiers supérieurs constituent le commandement de terrain le plus élevé et commandent à un grand nombre
d'hommes.
En japonais, ce sont les 大佐 taisa, 中佐 chûsa, 少佐 shôsa et 准佐 junsa (rarement
utilisé).
Avec la première méthode, vous traduirez tous
ces termes par colonel,
s'il s'agit d'un militaire, ou capitaine, s'il s'agit d'un marin.
... Et avec un tableau pour la seconde méthode.
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Armées
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Marines
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大佐
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Colonel
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Capitaine de vaisseau
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中佐
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Lieutenant-colonel
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Capitaine de frégate
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少佐
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Major
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Capitaine de corvette
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Les grades des officiers subalternes
Les officiers subalternes secondent le commandement supérieur et se trouvent généralement eux-même sur le théâtre des
opérations.
Ils sont les 大尉 taii, 中尉 chûi, 少尉 shôi ainsi que, éventuellement, les 准尉
jun'i.
La première méthode consistera à les nommer tous lieutenant, quel que soit le
corps d'armée auquel ils appartiennent.
Et rebelote pour la seconde méthode.
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Armées
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Marines
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大尉
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Capitaine
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Lieutenant
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中尉
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Lieutenant
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Sous-lieutenant
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少尉
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Sous-lieutenant
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Enseigne
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Dans la Marine, certains grades portent le même nom, mais ne sont pas du même échelon que dans l'armée de terre. C'est comme
ça, on n'y peut rien...
On peut rajouter ici le grade de 准尉 jun'i. En fait, ce grade n'est ni un grade d'officier subalterne, ni un grade de
sous-officier. Il s'agit du rang occupé par les différentes fonctions d'aide au commandement (qui varient beaucoup d'une armée à l'autre). Vous les rendrez par adjudant
(si vraiment c'est un marin, appelez-le maître, comme s'il s'agissait d'un sous-officier).
Les autres grades
Entre les différentes classes de sous-officiers et de soldats, il existe une énorme quantité de grades qui rendent les
réalités de chaque armée. Dans la littérature, je me permets de penser que les auteurs n'entreront pas tellement dans les détails et se contenteront des appellations de base. Si vraiment votre
histoire fourmille de premiers maîtres, d'adjudants-chefs et autres... Cherchez une solution. Maître et adjudant ne conviennent-ils pas ?
Dans les armées, vous devriez vous en sortir avec soldat/matelot (兵隊・水兵), caporal/quartier-maître (兵長・伍長)
et sergent/maître (兵曹・軍曹). N'entrez dans les subtilités que si c'est vraiment nécessaire ou que la distinction est clairement de la volonté de l'auteur : si votre lecteur n'est pas
militaire, il ne comprendra pas pourquoi le seul soldat de votre histoire doit absolument être appelé le "Quartier-maître de première classe Tanaka"... C'est beaucoup, non ?
S'adresser à un officier
Quelles que soient les fioritures utilisées en japonais pour s'adresser à un officier, et même si on utilise tel quel son
grade, les appelations sont, en français spécifiquement, souvent différentes des titres eux-mêmes.
- On fait précéder les grades de "mon" uniquement si l'officier adressé est un homme.
- On appelle "(Mon) commandant" tous les capitaines de marine.
- "(Mon) colonel" tous ceux qui ont "colonel" dans leur grade.
- "(Mon) lieutenant" tous ceux qui ont "lieutenant" dans leur grade et tous les officiers subalternes de marine.
- Les officiers généraux sont appelés "(mon) général" ou "(mon) amiral".
- "Chef" et "Officier" ne sont ne sont pas des grades. "Chef, oui, chef" n'a pas plus de sens, dans une traduction correcte
et cohérente, que l'officier Tanaka.
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J'espère que ce petit billet vous aura un peu aidé et éclairé sur la question des grades militaires dans une traduction
littéraire dans laquelle interviennent des femmes et hommes de guerre.
Quoi qu'il en soit, à moins de tomber sur un texte particulièrement pointu et guerrier (auquel cas vous devrez respecter
pointilleusement les hiérarchies qui y sont mentionnées), pensez avant tout à votre lecteur, qui n'y entend rien aux affaires miltaires mais qui remarquera toutefois tous les raccourcis que vous
pourriez prendre...